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pour moi une autre pensée que la tienne ? Ce n’est pas leur haine qui me brise, et ils n’ont pas forgé l’arme dont la blessure me fait mourir. Une de ces lettres au moins disait vrai : si je n’ai pas encore déserté ma tâche commencée, je suis sans force et sans ardeur pour l’achever. Valentine ! Elle est là, toujours devant mes yeux, enivrante comme l’amour qui me dévore ; je suis son regard divin qui va vers un autre et la jalousie me torture. Puis je me reprends à vivre, éclairé par les lueurs de son sourire. Elle devait venir chez moi, car il y a en elle une étrange clémence : on dirait qu’elle souffre du mal qu’elle me fait. Chez moi, elle ne trouvera personne ; j’ai pris la fuite et j’ai bien fait, je ne veux pas la voir. Que m’apprendrait-elle ? est-il au monde une révélation qui puisse guérir la maladie de mon cœur ?

Ses deux mains glissèrent le long de ses joues, découvrant son visage défait, où il y avait des larmes.

— Je le sens bien, dit-il encore d’une voix brisée, j’ai honte, mais je ne combats plus parce que la lutte est impossible : je l’aime malgré et en dépit de moi-même ! je l’aimerai quand un autre sera son maître ! Si elle était coupable, je l’aimerais encore, et s’ils venaient me dire ici, ceux qui peuvent tout : Pour la conquérir, il faut commettre un crime…

Il n’acheva pas et tout son sang révolté vint rougir sa joue, pendant que son front découragé s’inclinait de nouveau.

Trois petits coups furent frappés au-dehors, et un