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Six heures du soir venaient de sonner à la tour de l’horloge.

Il n’y a point de bourgeois rangé qui soit si exact qu’un moineau pour le moment de la couchée.

Des milliers d’oisillons arrivaient en voletant de tous les points du ciel.

Pendant quelques minutes, ce fut dans l’arbre hospitalier un bruyant remue-ménage : on s’agitait en piaulant, on s’embrassait peut-être en échangeant les souhaits de bonne nuit, peut-être on disputait, à coups de becs ou d’ailes, les meilleures places du perchoir.

Mais graduellement, les mouvements désordonnés se calmèrent, le caquetage aigu baissa d’un ton, puis se tut ; au bout d’un quart d’heure, les vingt mille hôtes de l’auberge aérienne dormaient comme d’honnêtes pierrots.

Remy d’Arx n’avait pas bougé depuis longtemps ; il sembla s’éveiller à ce silence et découvrit son front pour y passer sa main.

À ces heures crépusculaires du matin et du soir, quand le jour vient et qu’il s’en va, les objets changent de formes et surtout de couleurs : c’était peut-être la brune qui creusait ces rides profondes entre les sourcils du jeune juge d’instruction et qui mettait à ses joues cette mortelle pâleur.

Il se retourna lentement, déposa son chapeau sur un meuble et fit dans la chambre quelques pas chancelants.

Quand il s’arrêta, ce fut pour déployer un papier froissé qu’il tenait à la main.