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publique. Lesurques ne sait pas sur quel terrain il marche, il ignore le piège tendu devant ses pas, il est au lieu précis où il faut être et cela suffit pour le perdre.

« On arrive, on le fouille, il a sur lui, à son insu, quelques papiers compromettants ; le pistolet fumant ou le couteau qui saigne encore sont à ses pieds ; la veille, il a fait quelque chose d’insignifiant qui tourne tout à coup à mal : il s’est plaint de quelqu’un dans un instant de mauvaise humeur, il a murmuré quelques menaces, ou bien encore il a laissé paraître un besoin d’argent, une inquiétude au sujet d’une échéance.

« Tout cela se groupe, tout cela s’échafaude, tout cela l’entoure et le presse ; la vraisemblance naît, grandit, se change en certitude ; il est perdu, il le sent ; il est si victorieusement déguisé en coupable que, dans sa conscience épouvantée, il se dit : Si j’étais magistrat, si j’avais à juger un homme dans la position où je suis, je le condamnerais !

« C’est là ce qu’ils appellent dans leur langage l’arme invisible. Elle frappe coup pour coup, autant de fois que l’arme de l’assassin ; elle blesse d’une façon sûre, et par une combinaison qui est le comble du sacrilège, c’est la loi, toujours la loi qui achève ceux qu’elle a blessés.

« Mais l’arme invisible peut tuer aussi pour elle-même et remplacer les autres armes émoussées ou insuffisantes.

« Il y a des gens cuirassés : Achille, l’invulnérable, ou Mithridate qui se joue des poisons. Contre