Page:Féval - L’Arme invisible, 1873.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La lecture du rapport fut interrompue ici par un petit rire sec qui venait du fauteuil de la présidence.

Le colonel tournait ses pouces ; il dit avec gaîté :

— Je m’en souviens de ce dîner, j’y étais.

Et il ajouta :

— Ah ! ah ! ce vieux Mathieu d’Arx avait la vie bien dure !

Lecoq poursuivit :

« … Le 14 juillet 1823, à neuf heures du matin, on vint me chercher au collège. Le domestique qui m’emmenait n’osa pas me dire quel affreux malheur était arrivé à la maison. Je trouvai ma mère assise dans la salle à manger ; elle me regarda, mais elle ne me reconnut pas : elle était folle. Mon père avait été étouffé dans son lit, auprès duquel couchait ma petite sœur, qui avait alors trois ans et demi.

« Les assassins n’avaient pas vu d’abord l’enfant, qui s’était réveillée peut-être pendant la perpétration du crime et qui avait crié.

« Ils l’avaient enlevée — ou tuée.

« Je fus le premier à entrer dans le cabinet de mon père.

« Le bureau, le secrétaire, les casiers, tout était ravagé ; on avait aussi volé de l’argent, quoique l’épargne bien modeste de l’austère magistrat ne pût être le but d’un semblable crime. Ma fortune actuelle m’est venue longtemps après et par la famille de ma mère.

« J’ai raconté en deux mots, monsieur le ministre,