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— Je vais, reprit-il tout haut, donner la parole à l’Amitié, qui dans toute cette histoire s’est comporté comme un ange.

Sa main sèche caressa l’oreille de Lecoq comme font les maîtres de pensions aux écoliers qui donnent de jolies étrennes et il acheva :

— Le cher garçon va vous exposer le côté matériel et historique de l’affaire, après quoi je vous fournirai personnellement quelques explications qui, je l’espère, auront le don de vous intéresser. Tu as la parole, mon ami ; sois bref, mais clair, et point de fausse modestie.

M. Lecoq de la Perrière, espèce de Protée qui poussait jusqu’à l’héroïsme le talent de changer sa figure et son allure, se montrait ici tel que Dieu l’avait fait.

C’était un robuste luron, assez bel homme au demeurant, mais commun, vulgaire dans sa rondeur et gai avec fracas.

Il appartenait très nettement à la catégorie des forts d’estaminet et réalisait le type du commis voyageur tel que l’ont dépeint les écrivains du règne de Louis-Philippe.

Il avait, ce matin, le costume de son choix, celui qu’il affectionnait et portait dès qu’une mission particulière ne l’obligeait pas à prendre un déguisement : jaquette de velours bleu, froncée sur les hanches, gilet de velours écossais quadrillé des plus fraîches, des plus vives couleurs, pantalon flamme-d’enfer, coupé à la hussarde et ne laissant voir que la pointe de la botte.