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peu convenable, n’a pas l’air d’être ivre plus qu’à moitié ; le bon Samuel a quitté ses clients ; Lecoq nous a sacrifié son bureau ou plutôt ses bureaux, car il se pousse, le gaillard, et nous le verrons bientôt homme d’importance ; enfin l’abbé et notre savant professeur de droit criminel ont fait relâche à leurs travaux, sans parler du prince qui a brusqué son absinthe, son bifteck et ses côtelettes. Vous êtes tous gentils à croquer, et je me fais une fête de vous servir une mignonne surprise qui récompensera votre peine.

Ce discours d’ouverture fut accueilli avec une certaine froideur.

Les gouvernements qui durent n’inspirent plus d’enthousiasme et le gouvernement de ce brave homme avait duré plus d’un demi-siècle.

Il reprit en clignant de l’œil d’une façon tout espiègle :

— Nous sommes tièdes, je m’y attendais ; il y a toujours un peu de jalousie autour de moi parce que le proverbe : « Tant va la cruche à l’eau, etc., » ne m’est pas applicable. J’allais à l’eau déjà du temps du maréchal de Saxe, et je n’ai pas encore une fêlure. Une chance de possédé, n’est-ce pas, mes trésors ? et douze ou quinze brasses de corde de pendu !

Il fit signe à l’abbé, qui s’approcha, et lui dit à l’oreille :

— J’ai à te parler après la séance. Tu sais que je n’ai confiance qu’en toi ; celui qui est destiné à me succéder doit en savoir plus long que les autres.