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leur rôle ; la ténébreuse commandite dont le colonel Bozzo était le gérant avait usé déjà plusieurs Louis XVII à Paris, en province et dans les diverses capitales de l’Europe.

M. de Saint-Louis était un martyr d’occasion, et il lui fallait se grimer quand il entrait en scène.

Nous n’avons pas encore vu les autres membres du conseil, à savoir un homme très pâle, aux traits coupants, au front chauve, entouré de rares cheveux blondâtres, qu’on désignait sous le nom de l’abbé, et un gros réjoui portant un costume sans gêne qu’on nommait « le docteur en droit ».

À gauche de la cheminée, un assez beau garçon, jeune encore mais portant énergiquement sur son visage ravagé les traces que laisse après soi l’habitude de l’orgie, était vautré plutôt qu’assis sur un des canapés : c’était le comte Corona, petit gendre du colonel et mari de la belle Francesca.

Sur l’autre canapé se tenait une femme vêtue avec une parfaite élégance et dont la figure se cachait derrière un voile. Cette femme n’était pas, comme le lecteur s’y attend peut-être, la comtesse Corona.

Damnée en quelque sorte par le funeste hasard de sa naissance, Francesca n’avait pas échappé sans doute aux fatalités du péché originel, mais son cœur généreux et bon n’eût point subi volontairement certaines complicités.

On se défiait d’elle avec raison, et vivant au milieu du mal, elle ignorait profondément le mystère d’iniquité qui pesait sur elle et qui précipitait le drame de sa jeunesse vers un dénouement tragique.