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La soubrette revint sur ses pas en disant :

— Victoire, s’il vous plaît, monsieur le colonel.

— Victoire, soit ! Dis-moi, et ne mens pas, est-ce toi qui vas chercher le fiacre, les soirs où Mlle de Villanove sort par la petite porte du jardin ?

Victoire joignit les mains et voulut se récrier.

— Bon, fit le colonel, c’est toi, je m’en doutais. Eh bien, ma fille, si Mlle de Villanove envoie par hasard chercher une voiture ce soir…

— Dans l’état où elle est, y pensez-vous, grand Dieu !

— Oui, dans l’état où elle est.

— Je me garderais bien… commença Victoire.

— De refuser, interrompit le colonel ; tu aurais raison, il faut obéir à ses maîtres.

Il lui glissa une couple de louis dans la main, et comme Victoire le regardait, stupéfaite, il ajouta :

— Hélas ! ma fille, à l’âge que j’ai, on a tout vu, et l’on ne sait plus être sévère.

— Est-ce possible, s’écria la soubrette, qu’il y ait des gens si bons que cela ? Qu’est-ce que vous m’ordonnez, monsieur le colonel ?

— D’amener une voiture à notre belle chérie, mais non pas la première venue. Je protège un certain cocher dont tu trouveras le fiacre ici près, un peu en dehors de la station. Pour être bien sûre de ne pas te tromper, tu lui diras… car tu parles un peu italien, n’est-ce pas ?

— Mademoiselle ne m’aurait pas prise sans cela.

— Tu diras au cocher : « Giovan-Battista. » C’est son nom.