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bien des orages menaçants qui n’éclatent pas. Il faut que je retourne auprès de la marquise, presque aussi bouleversée, presque aussi malheureuse que vous, ma pauvre enfant. Je n’ai pas besoin de vous dire quel coup terrible elle a reçu, mais en vous quittant, je voudrais vous laisser dans une situation d’esprit plus calme.

Il se leva et prit la main de Mlle de Villanove, qui eut à ce contact un sourd frémissement.

— Il y a une chose certaine et consolante pour vous, dit-il avec un accent de bienveillante onction, c’est que vous êtes entourée de bons cœurs, de cœurs dévoués. À votre âge, on se met parfois dans l’esprit des idées de révolte. Réfléchissez, pensez à ceux qui vous aiment, à ceux que votre malheur réduirait au désespoir.

Il s’inclina sur le front de Valentine, qu’il baisa.

C’était un front de marbre. La jeune fille ne fit pas un mouvement, ne prononça pas une parole.

En gagnant la porte à pas lents, le colonel se disait :

— Drôle de fillette ! je suis sûr qu’elle a déjà son idée.

Avant de franchir le seul, il lui envoya encore un baiser avec ces mots :

— Du calme ! on veille sur vous et on vous aime.

Dans le corridor, il y avait une soubrette qui s’éloignait précipitamment et qui avait tout l’air d’avoir écouté à la porte.

— Suzon ! appela le colonel à voix basse, Sidonie ! viens çà, Marion !