Page:Féval - L’Arme invisible, 1873.djvu/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sogne. Combien demandez-vous des écrins de la Bernetti ?

La figure maladive du juif s’assombrissait. Son regard était celui du renard poltron qui devient brave à toute extrémité et fait fête aux chiens quand on l’accule.

L’Amitié le considérait du coin de l’œil. Il se versa un verre de vin.

— Je suis bien forcé de boire tout seul, reprit-il, puisque vous n’avez pas soif.

Il ajouta en posant sur la table son verre, vidé d’un trait :

— Un joli jonc que vous avez là, mon camarade.

D’un mouvement instinctif, Spiegel serra entre ses jambes sa canne à pomme d’ivoire.

Mais ce l’Amitié était beaucoup plus vif qu’il n’en avait l’air. Il jeta son corps en avant comme un tireur d’armes qui se fend à fond, et son bras allongé par-dessus la table atteignit la canne, qui lui resta dans la main.

Alors eut lieu une scène muette et rapide comme l’éclair. Un pistolet jaillit en quelque sorte de la poche de Spiegel, qui visa et tomba terrassé avant d’avoir pu presser la détente.

L’Amitié, riant bonnement, désarma le pistolet et le jeta à l’autre bout de la chambre.

— Je n’ai plus vingt-cinq ans, murmura-t-il, mais ma poigne est restée solide. Allons relevez-vous mon camarade, et si vous avez un autre joujou comme celui-là, gardez-le pour une meilleure occasion.