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— Je suis un singulier égoïste, murmura-t-il ; je n’ai jamais très bien fait mes propres affaires, mais quand il s’agit des affaires des autres, j’avoue que j’y mets une certaine coquetterie.

Mlle de Villanove, disait en ce moment le docteur insistant sur la question du calme nécessaire, n’est pas exposée à éprouver souvent des émotions semblables à celle de cette nuit : on n’arrête pas tous les jours des assassins à l’hôtel d’Ornans.

— C’est vrai, c’est vrai, fit la marquise, Dieu merci !

Puis elle ajouta pour le colonel :

Mlle de Villanove ! la fille de ma sœur ! un assassin ! J’ai beau faire, il m’arrive à chaque instant de croire que tout cela est un rêve. Je fais la part des circonstances et du terrible malheur qui transplanta sa jeunesse si loin du lieu de sa naissance, si loin du cercle où ses protecteurs naturels auraient pu veiller sur elle. Nous avions à craindre, je ne le nie pas, des chagrins de plus d’une sorte ; j’ai tremblé quelquefois, quand j’étais toute seule et que je réfléchissais, de voir arriver un beau matin quelque brave garçon tournant son chapeau entre ses doigts et demandant, d’un air timide, après Mlle Fleurette…

— Les grandes dames ont une manière charmante de dire ces horreurs-là, murmura le colonel, qui croisa ses jambes maigres l’une sur l’autre pour se renverser dans son fauteuil.

— Horreurs, en effet ! répéta la marquise. Mais alors, comment caractériser ce qui nous arrive ? C’est