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élevés, mais puisque mon cousin les franchissait, d’autres pourraient faire comme lui.

« Moi aussi je me crois folle, il me semble à chaque instant que j’entends des pas. Tiens ! en ce moment même je jurerais… c’est que, toute la soirée, au salon, ils ont parlé de voleurs et d’assassins.… des Habits-Noirs. Ce nom seul me fait frissonner, et si tu savais pourquoi ! J’ai peur comme les enfants qui se mettent au lit, l’esprit plein de brigands et de fantômes.

« Moi qui étais si brave autrefois, te souviens-tu ? Mais ce sont des idées de fièvre, car j’ai la fièvre. Je voudrais n’avoir pas d’autres frayeurs que celle-là. Le vrai danger n’est pas sous mes fenêtres.

« Maurice, il faut venir à mon secours. Maurice, Maurice chéri, j’ai besoin de toi et je t’aime. Oh ! ne doute jamais de mon cœur, quoi qu’il arrive : je t’aime ; je suis sûre de t’aimer !

« Aujourd’hui même on m’a demandée en mariage, et c’est lui… Écoute ! je te le jure devant Dieu, je n’aime que toi. Remy d’Arx est mon ami, mon allié naturel, il me faut son aide, il lui faut aussi la mienne. Comment t’expliquer cela dans une lettre ? Si tu étais là, tu verrais mon âme dans mes yeux, je te dirais la différence qu’il y a entre l’ardente tendresse que j’ai pour toi et l’affection tranquille qui m’attire vers M. d’Arx. Toi, tu es mon cœur tout entier, tu es mon mari, je veux que tu sois mon mari ; lui, j’ai refusé sa main sans hésitation, sans regret… »