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faut cette croisée ouverte, ce vent de la nuit qui rafraîchit la brûlure de mon front.

« Sous la fenêtre, c’est un beau jardin, tout plein de fleurs, et dont mon jeune cousin, Albert d’Ornans, qui est mort, franchissait, dit-on, les murailles pour aller à ses amours et à ses plaisirs.

« Je ne l’ai pas connu, mais j’habite sa chambre et quelque chose de lui est autour de moi. Son portrait est dans le salon ; c’était un beau jeune homme, hardi et rieur comme toi.

« Une fois, de son château de Sologne, il écrivit à sa mère une lettre qui disait à peu près ceci : Es-tu bien sûre de ceux qui t’entourent ? Je sais des choses graves que je ne veux point confier au papier. Invite à dîner Remy d’Arx pour le jour de mon arrivée

« Remy d’Arx est un juge. Maurice, tu me rendrais heureuse si tu devenais son ami.

« Mais à quel propos te dis-je cela ? oh ! ma pauvre tête !

« Il ne se leva jamais, le jour de l’arrivée, pour le jeune marquis d’Ornans, mon cousin. Quelques jours après on reçut la nouvelle de sa mort. Un coup de fusil tiré sous bois. On ne lui connaissait pas d’ennemis et ces accidents surviennent si souvent à la chasse…

« Mais qu’aurait-il dit à sa mère et à Remy d’Arx, s’il était revenu ?

« Tu dois me croire folle, je ne t’ai pas encore parlé de toi. J’ai peur. Il y a de grands terrains déserts au-delà du jardin, dont les murs sont fort