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de Jacob, d’Issachar, de Jéroboam, de Nathan, de Salomon et des autres.

Les verres se choquèrent et l’Amitié ajouta :

— Comme cela, mon bon frère, vous voulez me vendre un petit tas de bric-à-brac. Ce ne sont pas des meubles, je pense, car le port serait cher du grand-duché jusqu’ici. Ne serait-ce pas plutôt un lot d’étoffes ? Ah ! vous souriez, compère ? Je parie qu’il y a de la dentelle ! il en passe à Bade tous les ans pour des millions et sur de jolies épaules encore. Mais vous devez être un homme sage, Hans Spiegel, vous laissez les épaules et vous ne vous occupez que des dentelles.

Hans Spiegel souriait peut-être en dedans, mais sa figure restait morne et chagrine.

— On m’a dit, prononça-t-il tout bas, après avoir trempé ses lèvres dans son verre sans boire, que vous étiez homme à traiter au comptant une affaire d’une certaine importance.

— Au comptant, répéta l’Amitié au lieu de répondre, au comptant, cela dépend. L’argent a peur ; il se cache. Qu’est-ce que vous appelez une affaire importante, frère Hans ?

Spiegel rougit imperceptiblement et répliqua en baissant la voix davantage :

— Une affaire dans les cent… deux cents… peut-être trois cent mille francs.

— Vive Dieu ! s’écria l’Amitié, les jolies épaules étaient donc diantrement chargées ?

Spiegel toussa d’un air mécontent.

— D’ordinaire, dit-il avec sécheresse, les gens de