Page:Féval - L’Arme invisible, 1873.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle garda le silence. Le vieillard s’assit en murmurant :

— Il y a vingt-deux marches de la salle à manger jusqu’ici, songe donc, je suis las.

Les sourcils délicats de Mlle de Villanove étaient froncés.

— Je vous ai demandé ce qu’on me voulait, dit-elle.

— Prête à faire des barricades si ce qu’on veut ne te convient pas, hein ? Et voilà la chose curieuse, les mauvaises têtes comme toi sont toujours adorées. Mignonne, tu as grand tort de te révolter, car ceux qui devraient te commander t’obéissent ; tu es la reine ici, on ne veut rien sinon savoir ta fantaisie pour s’y conformer humblement. Tu as refusé ce pauvre Remy ?

— Est-ce lui qui vous a appris cela ? demanda Valentine.

— Non ! c’est moi qui l’ai deviné, comme je devine tout ce qui te concerne… à l’exception d’une chose pourtant : je ne devine pas pourquoi tu as refusé l’homme que tu aimes.

Pour la seconde fois, Mlle de Villanove resta muette.

Le colonel lui prit la main, la força de s’asseoir auprès de lui et poursuivit d’un ton savamment calculé qui alliait une nuance de sévérité à l’affection la plus tendre :

— Tranquillisez-vous, mignonne ; je n’en ai pas pour longtemps, et comme je vous dispense de me répondre, cela abrégera encore notre entretien. Le