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Meyer sortit d’un pas chancelant ; ses cheveux hérissés remuaient sur son crâne.

Un quart d’heure après, toujours dans l’arrière-boutique du papa Kœnig, revendeur de vieilleries et amateur de joies champêtres, M. l’Amitié était assis devant un guéridon soutenant une bouteille entamée, deux verres pleins et une chandelle de suif.

De l’autre côté de la table s’asseyait le visiteur mystérieux dont il avait donné le signalement à Meyer.

Meyer avait disparu.

— Je suis tout joyeux, disait M. l’Amitié, qui parlait maintenant avec un léger accent allemand, de faire la connaissance d’un compatriote et d’un coreligionnaire. Comment vont tous nos bons amis de Carlsruhe, mon cher M. Hans ?

— Les uns bien, les autres mal, répondit le visiteur, dont le visage accusait énergiquement le type israélite.

L’Amitié frappa ses mains l’une contre l’autre.

— Voilà des réponses comme je les aime ! s’écria-t-il. Passé le pont de Kehl, de ce côté-ci, on ne rencontre plus que des fous qui parlent droit, hé ! mon frère ?

Hans ne répondit que par un signe de tête approbatif. C’était un jeune homme aux traits pointus, à l’air maladif. Sa physionomie inquiète exprimait la dureté et la méfiance.

— Trinquons, reprit l’Amitié, qui affectait au contraire une extrême rondeur : à la santé de Moïse,