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Au milieu de cette armée d’Afrique, basée sur les prodiges d’intrépidité, il passait pour un des plus intrépides ; on l’avait vu courir à la mort en riant, et nul n’avait poussé plus loin que lui cette furie française qui s’exalte aux ardentes ivresses de l’épée.

Il avait peur aujourd’hui, horriblement peur ; une sueur glacée inondait ses tempes et ses jambes chancelantes grelottaient sous lui.

Chaque parole prononcée était désormais un coup de massue.

On disait vrai de l’autre côté de la porte : il se sentait pris au piège et restait comme écrasé sous la conscience de sa perte certaine.

L’idée lui était bien venue de s’élancer au-dehors et de crier : « Mensonge ! c’est un autre qui a tué ; moi je suis venu pour porter secours. »

Mais son trouble, remarqué par le concierge, mais ces paroles échappées à sa colère, mais cette porte fracturée, cette serrure forcée !.…

Et par-dessus tout, l’ensemble des précautions prises par ses ennemis invisibles : la pince d’acier, la fausse clef : l’évidence d’une conspiration tramée contre lui !

Tout l’écrasait, tout lui manquait ; il n’avait plus ni paroles, ni force, et ses mains frémissantes qui se promenaient sur son crâne faisaient bruire ses cheveux hérissés.

— Le commissaire ! cria-t-on dans l’escalier, voilà le commissaire !

Maurice jeta tout autour de lui un regard de détresse. Plusieurs voix dirent à la fois :