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vants, il s’arrêta stupéfait, comme si la foudre fût tombée à ses pieds.

Une voix effarée disait sur le carré :

— Comment n’avez-vous pas entendu ? le pauvre juif a crié plus de dix fois au secours avant de tomber ; il disait : « Grâce, lieutenant ! que vous ai-je fait ? »

— Le juif avait donc de l’argent ? demanda une autre voix.

Et un troisième dit :

— Le portier ne l’a pas mâché, il s’est écrié tout de suite : « Ça ne m’étonne pas ! J’avais bien dit qu’il y aurait un malheur dans la maison ! Quand l’Africain est rentré cette nuit, il avait l’air de tout ce qu’on voudra. Je lui ai parlé, il ne m’a pas seulement répondu, et il était là dans la cour qui gesticulait comme un fou et qui radotait : « Je l’haïs, ainsi je l’haïs ! c’est plus fort que moi, faut que je fasse la fin de cet homme-là ! »

C’était faux, mais il y avait quelque chose de vrai.

Encore une fois le pâle visage de Remy d’Arx passa devant les yeux de Maurice, et vaguement il se souvint d’avoir pensé tout haut bien des fois cette nuit : « Que ne suis-je en face de lui l’épée à la main ! je le hais, oh ! je le hais ! »

Mais le reste, mais ces prétendus cris au secours poussés par un homme qui était tombé en laissant échapper à peine un gémissement, et ces paroles à coup sûr inventées : « Lieutenant, que vous ai-je fait ? ayez pitié de moi ! »