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On l’avait tué comme on égorge un bœuf, et il était mort en poussant le gémissement unique du bœuf qu’on égorge. Le couteau du boucher était encore là.

La lutte avait été si courte et si décisive que la chambre ne présentait aucune trace de désordre. La canne à pomme d’ivoire manquait, mais Maurice en ignorait l’existence.

La plupart des officiers qui n’ont pas gagné leur grade à courir les villes de garnison savent juger et même panser une blessure.

Maurice avait vu d’un seul regard que le coup porté par le malfaiteur inconnu était mortel ; mais il est un sentiment souverainement humain qui entraîne l’homme de cœur à tenter l’impossible et à essayer les secours lors même que les secours sont devenus inutiles.

On peut se tromper, d’ailleurs, et les médecins eux-mêmes ne se dispensent point de ce suprême effort, qui est l’acquit de la conscience.

Maurice s’agenouilla auprès du blessé, ou, pour mieux dire, du cadavre et se mit en devoir de bander la plaie.

Il n’en eut pas le temps. Des pas qui semblaient nombreux et précipités se firent entendre dans l’escalier, puis dans le corridor.

La première impression de Maurice fut une sorte de soulagement, car c’était de l’aide qui lui venait ou tout au moins une décharge pour sa responsabilité ; mais comme il se levait pour ouvrir la porte extérieure et introduire lui-même les nouveaux arri-