Page:Féval - L’Arme invisible, 1873.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jusqu’aux environs de l’Arc de l’Étoile ; c’est Paris tout entier qu’il faut traverser dans sa plus grande longueur.

Le chemin sembla court à Maurice et le passage des heures lui parut singulièrement rapide ; il fut tout étonné d’entendre une heure du matin sonner à l’horloge de l’Élysée comme il franchissait le rond-point, entre la rue Montaigne et l’allée des Veuves.

— Je le verrai, se disait-il, résumant le décousu de ses rêveries : il faut que je la voie, c’est le principal. Tant mieux, s’il y a du péril, je la protégerai. Quel est mon espoir, cependant ? Sa famille me chassera. Eh bien ! mon espoir, c’est le sien. Il faut que je la voie pour savoir ce qu’elle espère. Si elle m’aimait assez pour jeter de côté toute cette noblesse, toute cette fortune… Elle a un projet, puisqu’elle est venue.

Il s’arrêta au milieu de l’avenue des Champs-Élysées et s’assit sur un banc pour mettre sa tête brûlante dans ses mains, qui étaient de glace.

— Mais ce Remy d’Arx ! murmura-t-il d’une voix étouffée. Il est riche, lui, sans doute, il est de ceux qu’on épouse sans fuir sa famille, sans renoncer au monde…

Un instant il resta muet dans le grand silence de la promenade déserte, mais il se leva brusquement et dit en reprenant sa route à pas précipités :

— Je suis fou ! Cette pauvre femme la juge selon elle-même. Est-ce qu’il y a une comparaison possible entre elles deux ? Elle m’aime, puisqu’elle me le dit et puisqu’il n’y a rien sur la terre de si vrai,