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quable faculté de prévoyance et un talent réel pour calculer les chances de l’avenir.

Le père Pagès, dès le bas âge de ses garçons, avait établi, à son point de vue, dans la ville d’Angoulême, une statistique professionnelle, avec l’âge des titulaires et des notes raisonnées sur leur santé.

On eût dit qu’il avait assuré chacun d’eux sur la vie ou qu’il était leur héritier en cas de mort.

Cette dernière hypothèse se rapprochait un peu de la vérité : non point que le père Pagès eût des prétentions sur leur patrimoine, mais bien parce que son regard d’aigle lorgnait toutes les clientèles et en faisait, un jour venant, le pain quotidien de ses garçons.

Il se trouva que des trois médecins les plus demandés par la ville, l’un avait une mauvaise toux, l’autre des couleurs trop accentuées, et que le troisième enfin était affligé d’une fistule.

Le père Pagès était incapable de souhaiter la mort de quelqu’un, mais confiant dans la Providence, il envoya son fils à l’École de Médecine de Paris en se disant :

— Voici l’affaire de ce gaillard-là réglée, et ce serait bien le diable s’il ne dotait pas une de ses sœurs.

Et il recommença ses calculs pour régler l’affaire de son second garçon, l’aîné étant désormais solidement établi.

Maurice avait un peu plus de vingt ans quand il arriva dans le quartier des écoles.

Il aimait les chevaux, le bruit, la chasse, les plai-