Page:Féval - L’Arme invisible, 1873.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

imbécile pour le consoler ; Coyatier lui mit une pièce blanche dans la main et voulut le caresser, mais l’enfant se sauva avec les vingt sous.

Comprends-tu ça ?

Voici un an, au brun de nuit, une pauvre minette se noyait sous le pont, ici près ; c’était une fille trompée et abandonnée qui s’en allait parce qu’elle n’avait plus de quoi nourrir son petit enfant. Coyatier la retira de l’eau et l’emmena chez lui, où il la soigna pendant un mois sans rien dire à personne, excepté au médecin dont il payait les visites.

Tu penses bien que la minette et l’enfant l’aimaient comme on adore le bon Dieu.

C’est tout simple, pas vrai ?

Mais la minette se rétablit, elle alla un jour s’asseoir sur un banc au bout du boulevard de l’Hôpital ; là, les gens lui parlèrent de l’homme à qui elle devait tout. Elle rentra, prit ses nippes et se sauva sans attendre Coyatier pour lui dire merci ni au revoir.

Qu’en penses-tu ?

Je ne veux pas te faire languir, fanfan, cet homme-là n’a pas la lèpre, mais il est tout comme : il gagne l’argent qu’il dépense avec son couteau, et il travaille pour les Habits-Noirs.

— Et cela se dit tout haut ! s’écria Maurice stupéfait.

— Non, répliqua Léocadie, cela se dit tout bas. Dans ce pays-ci on connaît les argousins comme on connaît ceux qu’ils cherchent. Rien ne sort, primo d’abord parce qu’on déteste la police, et secondement parce que chacun sait bien ce qu’il en coûte-