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monde qui ressemble un peu à ma ménagerie ; il y a de tout chez nous, excepté pourtant des pairs de France et des banquiers millionnaires. J’y connais des honnêtes gens, parole d’honneur, mais on y bavarde beaucoup des machines de la cour d’assises.

Ça occupe, ça amuse, on dirait que c’est du sucre.

Chaque fois qu’il y a une histoire de voleurs, tout le monde ouvre l’oreille, si bien qu’on raconte tout haut derrière les baraques des faits divers qui écarquilleraient les yeux de la police. Si le nom de Coyatier ne te dit rien, celui des Habits-Noirs est-il dans le même cas, bijou ?

— Ils sont en prison, voulut interrompre Maurice, j’ai vu cela dans les journaux.

— Bon, bon, fit la veuve Samayoux, les journaux disent ce qu’ils peuvent, et la préfecture laisse dire ce qui lui est avantageux. Là-bas, au camp de la Loupe de la barrière d’Italie, il y a un chiffonnier qui ne boit que de l’eau, les jours où il n’avale pas ce qu’il faut d’eau-de-vie pour enivrer six hommes : c’est Coyatier. Attention ! il fait peur à voir avec sa tête hérissée comme une hure de sanglier ; il ne parle à personne, jamais, et tout le monde l’évite, même ceux qui ont quelque chose sur la conscience.

Moi, je ne l’ai vu qu’une fois, c’est un rude homme.

Il y avait, ce jour-là, un gamin qui pleurait parce qu’il avait cassé la bouteille dans laquelle il rapportait le vin de ses parents ; les passants l’appelaient