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Ce Piquepuce est revenu aujourd’hui ; je n’y ai pas vu de malice sur le moment, et j’ai trouvé tout simple qu’il m’invite à prendre le petit noir. On s’était connus, pas vrai, en société, et le particulier a la parole agréable. Des compliments par-ci, des politesses par-là… Mais ça me revient à présent parce que je te vois : c’est sûr qu’il était là pour me tirer les vers du nez.

Il m’a parlé du temps, et c’était le bon temps, où Fleurette et toi vous ameniez à la baraque la meilleure compagnie de la capitale. Et qu’est-il devenu, le petit ? et qu’est-elle devenue, la petite ? et ci et là.

Moi, je croyais que c’était pour causer, mais maintenant que j’y pense, l’idée me passe que j’ai trop causé. Quand je lui ai dit à la bonne franquette votre histoire à tous les deux, depuis tes victoires et conquêtes en Algérie, jusqu’aux escapades de la fillette qui court en fiacre pendant qu’on la croit dans son lit, ses yeux brillaient comme des chandelles.

— Je ne crois pas, répartit Maurice, qui ne partageait à aucun degré les inquiétudes de la veuve Samayoux, je ne crois pas que le nommé Piquepuce fréquente de très près le monde où vit maintenant notre Fleurette ; d’ailleurs, vous n’avez pu lui dire son vrai nom puisque vous ne le savez pas.

— C’est bon, grommela Léocadie, tant mieux si je me trompe, mais chacun a sa manière de voir ; j’aurais mieux fait de me couper la langue avant de lui dire que tu étais revenu, que la fillette raffole de toi et que je t’attendais ce soir.