Page:Féval - L’Arme invisible, 1873.djvu/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reuse ; si elle voulait, elle n’aurait qu’à choisir, pour le bon motif, parmi un tas de jeunes marquis, tous avec tilburys, chevaux de courses, maison à la ville et à la campagne. Sa duchesse est riche comme un puits, son colonel ne compte que par millions, et elle m’a parlé d’un prince, qui est son parrain ou approchant, destiné à remplacer Louis-Philippe en cas que les événements s’y montrent favorables. Ah ! pour bavarde, elle est bavarde, la petite, et agitée, ne tenant pas en place, et ayant toujours l’air de penser à je ne sais quoi ; tantôt les yeux allumés comme des lampions, tantôt l’air abattu, la mine fatiguée, qu’on dirait qu’il vient de lui arriver un grand malheur d’accident… Mais te voilà aussi tout défait, amour ! qu’est-ce qui te chiffonne ?

— Si elle est si riche que cela… murmura Maurice.

— Ah ! ah ! voilà le hic, pas vrai ? tout n’ira pas sur des roulettes.

Maurice resta un instant silencieux, puis il reprit :

— Vous m’aviez parlé d’une lettre ?

— Elle est en route pour Oran, répliqua Mme Samayoux, ta dernière résidence, et si ça peut te remettre du cœur au ventre, je vas te dire que la petite ne doute de rien ; c’est elle qui m’avait dicté la lettre où je te donnais avis qu’il fallait revenir tout de suite, au grand galop. Elle était encore plus détraquée qu’à l’ordinaire, ce jour-là, la petite ; jamais je ne l’avais vue si pâle, et j’aurais juré qu’elle avait peur.