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qui défendait l’intérieur de la voiture contre les regards curieux resta baissé. Le cocher, beau garçon au teint fleuri, planta son fouet dans la gaine comme s’il eût été arrivé au terme de sa course et tira de sa poche une pipe qu’il bourra paisiblement.

Le garçon, quoiqu’il fût d’Alsace, connaissait assez bien son Paris, car il se demanda :

— Est-un monsieur qui attend une dame là-dedans ou une dame qui espère un monsieur ?

Et avant de reprendre son volet il tourna le coin de la rue de Vendôme pour voir à quel sexe appartenait le retardataire ; mais il se trouva tout à coup en face d’un bon gros père qui arrivait les mains dans ses manches et qui le salua d’un débonnaire sourire.

— Tiens ! tiens ! dit le garçon, c’est M. l’Amitié qui venait voir le patron ! Vous n’avez pas de chance, papa Kœnig et sa dame viennent de partir pour leur petit jardin de Saint-Mandé. Des propriétaires, quoi ! ça n’est heureux que dans leur campagne ; un carré de gazon large comme un mouchoir et douze manches à balai qui ont chacun trois feuilles malades… faudra-t-il dire quelque chose au patron de votre part ?

M. l’Amitié l’écarta du coude et continua sa route après lui avoir adressé un signe de tête amical.

C’était un homme jeune encore à ne regarder que ses yeux vifs et rieurs, mais il portait une barbe grisonnante, très mal peignée, qui trahissait l’approche de la cinquantaine. Sous les plis d’une houppelande