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Elle lampa d’une seule gorgée son verre à vin à demi plein d’eau-de-vie et continua plus tranquillement :

— Voilà l’histoire : c’était trois ou quatre jours après ta première lettre ; j’étais toute seule dans ma chambre, quoiqu’il ne manque pas de gens pour me tenir compagnie : — Toc ! toc ! — Entrez ! Qu’est-ce qui entra ?

Tu t’en doutes bien : une robe de taffetas noir, un chapeau de velours noir, un voile de dentelle noire, mais là, plein la main et si épais de broderie qu’on ne voyait pas la frimousse.

— Qu’est-ce que c’est ?

— C’est moi, répondit une petite voix douce qui me fit penser à toi tout de suite, car je lui gardais rancune à cette enfant-là, c’est sûr. Mais va-t’en voir si c’est possible de ne pas l’aimer !

— Vous qui ? que je demandai pourtant.

Elle se jeta à mon cou et m’embrassa comme pour du pain. — Ma bonne madame Samayoux ! — Fleurette ! — Où est-il ? que fait-il ? m’a-t-il oubliée ?…

Maurice, immobile, retenait son souffle.

— Juste les mêmes questions que toi, continua Mme Samayoux, et si tu savais comme tu as l’air innocent à écouter tout cela ! Un jocrisse, quoi !

— Allez ! maman, vengez-vous, dit Maurice, qui avait les yeux humides, mais parlez, je vous en conjure, parlez !

— Parlez, bonne Léocadie, parlez ! répéta Mme Samayoux en flûtant sa voix autant que cela était pos-