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Mme veuve Samayoux, tout exprès pour causer du maréchal des logis Maurice Pagès.

— Elle a fait cela ! s’écria le jeune officier, qui se jeta à son cou.

— Oui, mon lieutenant, j’ai dit maréchal des logis parce que la dernière fois qu’elle est venue, ni elle ni moi nous ne savions que vous aviez l’épaulette. Peut-on servir ?

Maurice essuya la sueur de son front et dit en appuyant la main sur son cœur :

— Servez, maman Léo ; ceux qui prétendent que la joie coupe l’appétit sont des menteurs. À table ! je vais manger comme un de vos tigres !

En un clin d’œil le souper fut servi, et Léocadie, qui, une fois assise, tenait tout un côté de la table, commença prestement à découper.

— Voilà, fit-elle, c’est le morceau de gauche que tu préfères. Chaque fois que je m’en servais une tranche, je pensais à toi et je me disais : Il n’en a peut-être pas de si bien rissolé là-bas, au fond des déserts. Le trouves-tu bon ?

— Délicieux, répartit Maurice la bouche pleine.

— Eh bien ! pendant que tu manges, mon chéri, tu me laisseras bien parler un peu de ce qui est le cadet de tes soucis, c’est-à-dire de toi-même. Pourquoi as-tu donné ta démission, puisque tu n’avais pas reçu ma lettre qui te disait de revenir au galop ?

— Parce que je n’avais pas besoin de lettre pour avoir le diable au corps, maman ; je voulais la revoir à tout prix, je serais devenu enragé là-bas.