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— C’est vrai. Mais, ajouta-t-elle en soupirant, ce n’est pas pour moi que tu est chez moi, et tu voudrais déjà que je te parle d’elle, sans cœur !

Le jeune officier l’embrassa encore en disant :

— Vous êtes bonne comme du bon pain. Oui, pourquoi vous le cacherais-je, puisque vous le savez si bien ? je viens vous parler d’elle, je ne songe qu’à elle ; je l’aimais bien autrefois, n’est-ce pas ?

— Tu ne l’aimais que trop, fit Léocadie, dont la poitrine se souleva en un vaste soupir.

— Je l’aime cent fois plus maintenant ; je l’aime mille fois plus, et je viens à vous sans crainte, car mon cœur me dit qu’elle ne m’a pas oubliée.

Mme Samayoux le regarda avec surprise.

— Ton cœur ! répéta-t-elle ; tu n’as donc pas reçu ma lettre ?

— Je n’ai rien reçu, répondit Maurice, je ne sais rien d’elle, sinon ce que je savais lorsque j’ai quitté votre maison pour m’engager soldat, parce que je me trouvais séparé d’elle, parce que, et comme j’en avais le pressentiment ! au lieu d’appartenir à une pauvre famille, elle était l’enfant de parents nobles et riches qui l’avaient recherchée, qui l’avaient retrouvée et qui étaient venus la réclamer.

— Te voilà tout pâle, murmura Léocadie, rien qu’en pensant à elle. Comme tu l’aimes, Maurice ! Sans elle, dis, m’aurais-tu aimée un petit peu ?

— Maman Léo, répliqua gaiement le jeune officier, vous n’avez que ce défaut-là, mais il est gros. Vous savez bien que je vous aime comme un fils…