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— Ça lui remplace le sein de sa pauvre mère, dit-il les larmes aux yeux.

Il n’en fallait pas tant pour faire battre le cœur herculéen de Léocadie.

— Dire que je n’ai jamais pu avoir un oiseau mignon comme ça ! fit-elle sincèrement émue, ni avec Samayoux ni par la suite… Il n’a donc plus de mère ?

— Elle est au ciel ! répondit Échalot.

— Et c’est vous le père ?

— Dans l’ordre de la nature, non, c’est Amédée ici présent, mais j’en ai quelques-uns des droits pour l’avoir nourri de mon propre lait, toujours à mes frais, dans les circonstances de la plus extrême débine. Je ressentais une attache platonique pour la mère, mais jamais de jalousie envers Similor plus heureux que moi. Elle avait un bon état : elle allait rire avec les invalides sur l’esplanade ; un seul défaut : la boisson ; ça l’a tuée. J’espère que du haut des Champs-Élysées elle voit ce que je fais en faveur de son orphelin, resté seul sur la terre ici-bas.

— Ça a beau être vilain comme tout, dit Léocadie, qui regardait boire l’enfant, ça intéresse… Ça, deviendra peut-être un gaillard !

Échalot embrassa le petit avec une tendresse de mère et dit en le berçant :

— Comme de juste, il a de qui tenir ! On le destine, Amédée et moi, à la carrière du théâtre, mais faut subvenir à sa frêle existence, et si vous vouliez m’accorder l’emploi fixe de votre poisson…

— Avec la bonté que vous auriez, interrompit Si-