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main de maître, augmentaient l’estime mutuelle que se portaient les deux époux.

Un soir qu’ils folâtraient ainsi après souper, Samayoux eut l’idée de jouer un peu avec les boulets ramés de 64 qui servaient aux exercices de force.

On s’amusait comme des bienheureux et Léocadie, riant à gorge déployée, lança un dernier coup si bien dirigé que Jean-Paul tomba avec un gémissement de bœuf.

Ce fut la fin de la partie. Jean-Paul Samayoux ne se releva point.

Il était bel et bien assommé.

Léocadie, comme elle le dit elle-même à tous ses camarades de la foire, fut plus contrariée que lui, car elle ne l’avait pas fait exprès. Elle dépensa les yeux de la tête pour l’enterrement, et la justice ne se mêla pas même de l’aventure, tant il était avéré que ce pauvre Samayoux avait eu la tête écrasée pour rire.

Au bout d’un mois, Léocadie composa sur l’événement une complainte tragi-comique qu’elle chantait elle-même dans la baraque en s’accompagnant de la guitare, car elle avait tous les talents. Au bout de six semaines, elle disait avec une certaine amertume :

— Jeu de mains, jeu de vilains ; il aurait pu m’en faire autant. C’est bête !

Elle était déjà consolée et de la même manière que la grande Catherine, dont nous avons parlé, non sans raison. Douée d’une rare sensibilité, elle laissa errer son cœur au gré de ses inclinations naturel-