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mais ils dédaignent la bagatelle et ne vont jamais au spectacle.

C’était en vain que les animaux féroces de Jean-Paul Samayoux rugissaient dans leur baraque, établie sur la place du Marché ; c’était en vain que Jean-Paul lui-même énumérait dans son porte-voix les preuves d’admiration et d’amitié que lui avaient décernées les différents souverains de l’Europe ; les bancs graisseux de sa petite salle restaient vides, et au bout de trois jours il n’avait pas encore vendu un seul paquet de sa poudre insectivore.

Un malheur ne vient jamais seul. Comme il pliait tristement bagage pour aller à la recherche de rivages plus hospitaliers, l’essieu de sa voiture se rompit.

Il s’agissait de relever à la force des reins le fond de la carriole pour passer dessous un nouveau moyeu.

Jean-Paul Samayoux essaya, mais il était amolli par les chagrins du veuvage et la mauvaise fortune ; un soldat de bonne volonté ne fut pas plus heureux, un portefaix échoua de même.

Une jeune fille traversait la place portant sur sa tête les fleurs du pays : une corbeille de choux si haute et si large que cela ressemblait à une montagne qui marche.

La jeune fille s’arrêta pour voir le motif du rassemblement ; après avoir regardé d’un air de pitié le militaire, le portefaix et même Jean-Paul Samayoux, elle déposa son fardeau, passa entre les deux roues et d’un seul tour de reins releva les