Page:Féval - L’Arme invisible, 1873.djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gistrat qui s’était levé à son approche et qui fixait sur elle son regard profondément troublé, elle s’arrêta interdite et confuse.

Il y avait de la fièvre dans les yeux de Remy ; on y lisait l’angoisse de sa longue attente, mais ce qu’ils exprimaient surtout, c’était un indicible étonnement.

Ce fut cet étonnement même qui glaça le téméraire courage de Valentine.

Les mots qu’elle comptait prononcer ne lui venaient plus, et ils restèrent un instant vis-à-vis l’un de l’autre, lui intrigué jusqu’à la détresse, elle cherchant en vain sa présence d’esprit qui la fuyait.

— J’aurais mieux fait de ne pas venir, dit-elle enfin ; vous allez me juger sévèrement, peut-être.

— Moi ! balbutia Remy, tandis que ses mains se joignaient malgré lui.

Il y avait un si profond amour dans ce geste et dans cette simple parole que Valentine eut le cœur serré.

Elle tendit la main à Remy en murmurant :

— J’avais tant de choses à vous dire !… je croyais que vous me méprisiez.

— Moi ! dit encore Remy d’une voix à peine intelligible.

— Vous ne m’adressiez jamais la parole, il me semblait que vous m’évitiez…

Remy fit un grand effort et répondit :

— Vous ne vous trompiez pas, mademoiselle ; j’ai combattu tant que j’ai pu, avec énergie, avec désespoir !