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écrits dont l’ensemble donne un cachet historique aux prouesses des malfaiteurs, mais ici, néant. Les Habits-Noirs n’eurent jamais de procès, grâce à cette ingénieuse et redoutable combinaison qui, pour chacun de leurs méfaits, jetait un coupable en pâture à la loi.

Ils tuaient deux fois : ils tuaient Pierre, par exemple, pour avoir sa bourse, et jetaient Paul entre les jambes de la justice qui courait après le voleur de la bourse de Pierre. Cela faisait un coup de hache qui raturait un coup de couteau.

Cependant, si les documents officiels font défaut, les preuves légendaires abondent, et toute personne assez malheureuse pour avoir passé la cinquantaine se souvient des paniques qui firent trembler Paris sous les règnes de Charles X et de Louis-Philippe.

Paris traduit à sa façon toute parole dont il ignore la véritable étymologie. Ces deux mots réunis, les Habits-Noirs, après avoir tenté sa curiosité, prirent pour lui une signification menaçante. L’habit noir est l’uniforme des gens du monde ; Paris supposa que la bande fashionable s’était tirée ainsi pour bien établir la différence qui la séparait du commun des coquins, dont la toilette est généralement peu soignée. Son imagination s’échauffa et il fabriqua lui-même le type d’une société mystérieuse recrutant ses affiliés dans les classes les plus élevées de l’ordre social.