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passager. Celui de Jeannine durait encore. Berthe monta sur le balcon et regarda de tous ses yeux. La rue était déserte. Dans les orties, broussailles et pauvres ruines qui s’étendaient à perte de vue derrière la petite maison le Priol, personne ne se montrait.

Berthe rentra et ferma la croisée.

Jeannine était toute tremblante.

— Je n’ai plus besoin de te rien expliquer, ma fille, dit Berthe ; tu vois ce que c’est… Et, aujourd’hui comme hier, la pomme tombe entre nous deux… Est-ce pour toi ? est-ce pour moi ?…

— C’est pour vous, répliqua Jeannine, puisque c’est pour la plus belle.

— Assieds-toi là, flatteuse ! Ce n’est pas parce que ces présents mystérieux sont destinés à la plus belle que je me les attribue, c’est parce que…

Elle hésita et jeta un regard furtif sur Jeannine, qui était très-pâle.

— Mais tu as peut-être, toi aussi, des raisons, s’interrompit-elle, pour croire qu’ils te sont adressés ?

— C’est vrai, dit Jeannine.

Et cela fut prononcé vivement, comme si elle eût été bien aise de faire un aveu à son tour.

Elle songeait… elle songeait à ce hasard étrange qui la mettait deux fois en face de Berthe et qui la faisait deux fois sa rivale.