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flante.

Les deux poings de Joulou se fermèrent.

— Est-ce fini ! brute ! répéta-t-elle, rallumant l’éclair de ses yeux. Je souffre plus que toi, car je l’aimais, entends-tu ? je l’aimais… Donne le portefeuille.

— Il n’avait pas de portefeuille, gronda Joulou.

— Ah ! fit Marguerite dont la lèvre blêmit, j’ai eu dix minutes d’agonie. Est-ce pour rien que j’ai pleuré du sang ?

Joulou passa ses doigts écartés sur son front.

— Brute ! murmura-t-il. Tant mieux ; alors j’oublierai peut-être.

— Je veux le portefeuille ! s’écria follement Marguerite. Il est à moi.

— J’ai touché sa poitrine, prononça Joulou avec effort, non pas pour chercher ton portefeuille, mais pour tâter son cœur. Le coup aurait tué un bœuf… Brute ! brute !… son cœur ne battait plus. Il n’y avait pas de portefeuille, j’en suis sûr. Ah ! écoute ! je me souviens : quand il a glissé… quand il est tombé, j’ai vu sa main qui disparaissait sous le revers de sa jaquette. Je m’en souviens, parce que je me disais : il va me faire sauter le crâne d’un coup de pistolet… Mais non ! ce n’était pas un pistolet. La mémoire me revient à mesure que je parle. C’était peut-être le portefeuille. Il l’a jeté au loin par-dessus sa tête, et le portefeuille… c’était bien le portefeuille, j’en suis sûr maintenant… est allé tomber rue Campagne, à vingt pas de nous.

— Je l’aurai ! dit Marguerite. Il m’a coûté trop cher, je le veux !

Ses deux mains s’arrachèrent de la chevelure de Joulou, qui perdit l’équilibre et tomba en avant, la face contre terre. Il n’essaya point de se relever. Il pensait vaguement dans la nuit bouleversée de son cerveau :

— Celle-là est le démon ! Elle l’aimait… Faut-il me tuer ou retourner chez nous, là-bas, en Bretagne ? La mère me disait : Quand tu fais mal, j’ai de mauvais rêves. Que va-t-elle rêver, cette nuit ! Ah ! c’est bête ! On a tort de venir à Paris ! J’irai me confesser demain et me noyer après.

Marguerite descendait l’escalier d’un pas ferme.

Elle s’arrêta, cependant, au seuil de la