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L’incident du portefeuille l’avait déjà frappé comme un reproche ; c’était la pensée de sa mère qui parlait tout à coup.

Marguerite eut ce tour d’épaules qui marque une femme comme le fer chaud estampait jadis les galériens. Elle répéta, cherchant évidemment d’autres paroles qui ne venaient point :

— Vous m’avez menti. Vous êtes un lâche !

Roland restait stupéfait devant cette querelle d’Allemand.

Marguerite frappa du pied avec emportement. C’était une créature adroite, rusée, prudente même, à ses heures. Nous verrons ses œuvres et leurs résultats. Mais, en ce moment, elle allait droit devant elle comme le sanglier qui trace au travers d’un fourré. Le moyen à prendre importait peu : il ne s’agissait pas de raffiner une scène de préparations. Il fallait ouvrir la porte et jeter Roland dehors.

Dehors, sur ce boulevard où personne ne passait.

Et Marguerite était si troublée, qu’elle ne trouvait même pas le mot qui chasse.

Elle poursuivit au hasard, comme les enfants qui outragent à tort et à travers :

— Léon Malevoy n’est pas à Paris ! Vous ne vous battrez pas avec Léon Malevoy.

Roland eut un sourire. Elle rabaissa d’un geste violent la tablette de son piano qui sonna une longue plainte.

— Et d’ailleurs, reprit-elle, que faites-vous chez une fille comme moi, quand votre mère agonise sur son grabat !

Roland devint si pâle, qu’elle reçut comme un vague contre-coup de l’horrible blessure qu’elle avait faite.

Mais Roland ne bougea pas. Elle se raidit et ajouta, rencontrant enfin ce quelque chose qui est le discours, soit que le discours ait vingt pages ou dix mots, soit qu’il flue de la bouche intarissable d’un disert, soit que la passion l’arrache aux lèvres d’un bègue :

— Je me suis moquée de toi, mon capitaine ! Je t’ai rendu la monnaie de ta pièce. Tu es un beau petit bourgeois ! Et plus naïf encore que joli garçon ! Comme vous avez bien dit cela, Buridan, mon ami :