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— M’obéirais-tu ?

— En esclave.

— Serais-tu fort ?

— Comme un lion !

— Hardi ?

— Aveuglément !

— Jusqu’où ?

— Dis toi-même !

— Jusqu’à la mort ?

— N’est-ce que cela ?… s’écria Roland rayonnant de jeunesse et de joie.

Marguerite lui mit sa main froide sur le front et prononça lentement :

— Jusqu’au crime !

Roland s’affaissa sous le poids de cette main et de ce mot.

Mais la foi de son âge est si robuste qu’il se releva presque aussitôt.

— Marguerite, murmura-t-il, cesse cette épreuve. Je t’ai devinée… Tu conspires !

Le rire est tout près de la passion. La naïveté profonde de certains élans frise à chaque instant le ridicule. L’industrie du théâtre moderne n’ayant plus rien à démêler avec la grande comédie telle qu’elle est faite, a trouvé dans la parodie des sentiments une source inépuisable de comique. On ne savait pas autrefois que les choses tristes étaient si gaies. Le premier qui a noué une queue rouge à la nuque de nos jeunes enthousiasmes était peut-être un maraud, mais il a découvert une mine de houille marchande sous le filon épuisé qui n’avait plus de diamants. Cela mérite un brevet, sinon une statue.

Certes, le mot de notre pauvre grand garçon, cherchant une explication noble à l’énigme insensée ou criminelle que lui proposait Marguerite, ce sphinx de l’université sauvage ; certes, disons-nous, ce mot était drôle en soi. Tu conspires ! M. Prudhomme a de ces aperçus soudains qui jettent une exhilarante lumière sur les situations les plus tendues. Marguerite conspirant ! La Marguerite de son maître de piano ! Contre qui, bon Dieu, et en faveur de quoi ?

Permettez ! Je sais des conspirations très sérieuses (car voilà encore une chose qui est sérieuse ou burlesque à la volonté du hasard) ! Je sais de très historiques