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tu ne me connais pas. Je t’aime de toute la passion qui brûle mes veines la nuit et le jour. Je veux que tu sois enfin grand, admiré, envié. Je veux te hausser jusqu’à ne plus te voir que d’en bas. Je veux un maître, entends-tu, et pour maître, je veux toi !

Sa prunelle nageait dans un fluide étrange.

En bas, l’orchestre lança un large et magnétique accord.

— Venez-vous ? Madame, demanda Nita, dont les pieds frémissaient.

Car elle était jeune fille celle-là, et la danse l’appelait.

Tout le corps du comte tremblait. Le regard de Marguerite était comme un creuset magique où sa volonté fondait.

Elle sourit, si follement belle, que les lèvres du malade blêmirent, tandis qu’il murmurait :

— Te faut-il encore un crime ?

Elle lui baisa les yeux.

— Repose-toi, dit-elle, repose-toi sur moi. Je t’aime, je t’aime, je t’aime !

Et elle s’enfuit, lui laissant aux lèvres la saveur d’un mortel baiser.

Elle prit Nita sous le bras. Le comte les vit disparaître comme un tourbillon fleuri qu’un souffle de vent d’août emporte sous le soleil.

Il retomba vaincu sur son oreiller. En ce moment, si elle lui avait dit : Frappe ! frappe cet homme qui vient de te sauver !…

Il eût frappé le docteur Abel Lenoir !

Elles glissaient le long du corridor, les deux rêves d’amour enchanté, le flocon de pourpre, le nuage d’azur rosé, Nita et Marguerite.

Les murmures du bal montaient : ce que vous avez entendu, tous et toutes, aux heures ivres de la première jeunesse, cette voix qui charme et qui attire, cette puérile harmonie, forte comme la passion,