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je suis le premier des du Bréhut qui ait manqué à l’honneur, et le père tenait à l’honneur de notre nom, autant que s’il eût été un roi… Avant de mourir, il faudra bien que je fasse quelque chose pour avoir le pardon de mon père !

Sa pensée avait vacillé aussi plus d’une fois depuis le commencement de la longue entrevue, mais elle revenait toujours au sujet qui le remplissait tout entier, et le docteur Abel Lenoir l’écoutait attentivement.

— J’ai eu une étrange idée, dit tout à coup le malade dont les yeux se baissèrent. Je ne suis pas fou, non, mais cette pensée me poursuivait. Depuis qu’il m’a donné sa main, je l’aime comme un fils ou comme un frère. Je l’aime pour lui-même et pour Nita, cette noble enfant qui m’a rendu ma conscience… Regardez ici, sous l’édredon, je vous prie, Monsieur Lenoir.

Le docteur souleva l’édredon et vit dessous un costume de carnaval, le pourpoint tailladé, les chausses, la toque et les brodequins à la poulaine de Buridan. Le comte poursuivit :

— Je ne suis pas fou ; je cachais cette friperie parce qu’elle aurait fait peur à Marguerite, au dernier moment. J’ai écrit à ce jeune homme, M. Cœur, ne pouvant plus l’aller voir, et je l’ai prié de prendre un costume pareil pour cette nuit. Il y avait deux raisons à cela, dont l’une au moins vous semblera bonne. Je commence par celle qui n’était qu’une pauvre fantaisie : je voulais revoir le jeune homme comme il était ce soir-là, et comme j’étais aussi ; je voulais lui demander de m’embrasser et de me dire encore une fois : je vous pardonne… Attendez avant de me juger : l’autre raison était celle-ci. Je ne sais plus rien de ce qu’ils font et de ce qu’ils machinent, ces hom-