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tention, ni la présence. Si on ne m’avait pas appelé, je ne serais pas venu, et pourtant je pesais d’un grand poids dans la destinée de cette maison. Il est heureux pour vous, Monsieur le comte, que vous soyez dans votre lit à l’heure où nous sommes… Je vous le répète : n’ayez point frayeur de moi, je ne vous veux pas de mal.

Non seulement Joulou, le pauvre malheureux, n’avait pas frayeur, mais il ne comprenait point. Ces paroles mystérieuses glissaient sur son intelligence engourdie.

Il tressaillit, quand le docteur ajouta tout-à-coup :

— Votre breuvage n’avait aucune saveur étrangère, parce qu’il n’y avait rien dans votre breuvage, et pourtant, sans moi, vous alliez mourir empoisonné.

Le malade dardait sur lui le regard de ses yeux fixes.

— Elle veut être duchesse de Clare, vous saviez cela, n’est-ce pas ? prononça M. Lenoir d’une voix basse et cependant pénétrante.

De grosses gouttes de sueur perlèrent aux tempes de Joulou.

— Il y a, poursuivit le docteur, un étrange mot qui reste obstinément dans votre mémoire. Je vous dis que certains sentiers se côtoient… se côtoient de bien près ! Une nuit que vous étiez ivre à l’hôtel Corneille, j’étais, moi, au chevet d’un pauvre jeune étudiant qui payait cher quelques pauvres fredaines, et je sortais de la chambre d’une malheureuse femme dont vous aviez poignardé le fils…

Joulou poussa un grand cri :

— Sur mon honneur et sur ma foi en Dieu ! lui dit le docteur Lenoir, qui se leva, vous n’avez rien à redouter de moi. Je suis ici pour vous rendre la santé, non point pour autre chose.

Mais la terreur restait peinte sur les traits décomposés de Joulou.

— Elle vous avait empoisonné déjà, Monsieur le comte, reprit Lenoir qui lui toucha le front de sa main droite étendue en le regardant fixement, — dès ce temps-