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nie, de même que votre manteau ne vous est plus volé en plein midi sur le pont Neuf. Mais votre manteau vous est parfois volé ailleurs, et je ne sache pas que vous ayez cessé de craindre pour votre bourse. De temps en temps, les journaux qui prennent soin d’accommoder et d’épicer le crime pour la consommation quotidienne des amateurs, racontent encore d’assez jolies histoires de tutelles. On peut même dire que tout progrès accompli dans le bien, amenant nécessairement, dans le mal, un effort en sens contraire, nous sommes en droit d’espérer que les histoires de tutelles et autres, en perdant leur antique naïveté, deviendront de plus en plus jolies.

Jadis, un tuteur se faisait geôlier ; c’était reçu, les meilleurs auteurs se plaisent à le dire. Le reste allait de soi ; tout geôlier pouvant faire de son prisonnier à peu près ce qu’il veut, les tuteurs taillaient en plein drap et les pupilles avaient beau crier, on leur répondait : Allez le dire à Rome !

On vous les dépouillait, morbleu ! que c’était un plaisir ; elles maigrissaient, elles pâlissaient, elles pâtissaient. Ah ! les pauvres pupilles ! Et s’il y avait un sordide barbon aux environs, croyez qu’on le choisissait toujours pour être l’époux de l’infortunée demoiselle. Sans cela point de comédie.

Mais où donc ai-je lu une lugubre et incroyable aventure ? En vérité, je crois que c’était hier, ou avant-hier, ou la semaine passée, et j’avais lu déjà cette aventure vingt fois. Elle est toujours la même, éternelle, à ce qu’il paraît, comme la vieille intrigue de la comédie. Cette histoire glisse au travers du progrès comme l’épée meurtrière traverse une poitrine : elle le poignarde.

Vous la connaissez ; il n’est personne qui ne la connaisse. Elle est horrible, répugnante, lâche, barbare, hideuse, féroce, elle ferait peur à des sauvages ! Mme de Sévigné, la chère marquise aux épithètes, jetterait aux chiens sa langue si bien pen-