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les luttes violentes. Il aimait la nature telle qu’on la peut admirer dans les bosquets du Jardin des Plantes, autour de l’enclos où grouillent les canards ; il aimait le petit vin blanc, consommé avec modération, en mangeant des marrons rôtis ; il aimait les lithographies coloriées, représentant les quatre parties du monde, sous la forme de quatre jeunes personnes bien coiffées et ornées d’attributs symboliques ; il aimait les tendres vaudevilles où Bouffé pleurait, les romances du père Panseron, les pralines et l’anisette.

Douce âme, cœur sensible à l’endroit de tous les oiseaux, quels qu’ils fussent, et ne donnant jamais rien aux pauvres, de peur d’encourager la paresse, il eût bien voulu gagner beaucoup d’argent honnêtement et sans courir aucun risque. Ce n’est pas lui qui cherchait les aventures !

Il remit une bûche au feu, et s’assit au coin de sa cheminée.

Il étendit ses jambes sur le tapis et se mit à tourner ses pouces.

— Après un dîner copieux, se dit-il, on peut être indisposé. Si j’étais indisposé, je ne pourrais pas aller au bal de Mme la comtesse. Est-ce vrai, cela ?

Cette réflexion le porta à cesser de tourner ses pouces pour se frotter les mains tout doucement.

Il resta un gros quart-d’heure à méditer, puis il dit encore :

— Une excuse ? J’en ai une ! une superbe ! Cet Italien, blanc et noir comme une pie, M. le vicomte Annibal Gioja ne nous a-t-il pas menacés indirectement d’un vol ? Il a dit devant tous les autres : veillez bien sur les titres ! Quoi donc ! C’est le bien commun ! Je m’arme jusqu’aux dents et je fais sentinelle autour de la caisse ! Il me semble que c’est du dévouement, dites donc !

Pour la seconde fois, il se frotta les mains avec un sincère plaisir.

La pendule en doré mat, dont le sujet était une jeune bergère très grasse, regardant deux colombes qui se becquetaient pour le bon motif, marquait dix heures et demie.

Le valet de Jaffret vint demander s’il pouvait se coucher.

— Oui, Pierre, répondit le doux hom-