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M. Lecoq laissât libre, en apparence, les membres de l’association, chacun ici se sentait plus ou moins dans la main de la comtesse du Bréhut de Clare.

— Est-ce au sujet de l’affaire du jeune duc ? demanda Comayrol au vicomte Annibal qui avait pris un siège.

— Quel jeune duc ? fit le Napolitain ; M. Cœur ? un rapin sans talent qui doit être né sous un chou ! Je crois que Mme la comtesse désire faire quelque petite chose pour lui. Asseyez-vous donc, très chers, et prenez votre café tranquillement. J’en accepterai une tasse avec plaisir.

Comayrol et ses amis se regardèrent.

— Vayadioux ! grommela l’ex-premier clerc. Va-t-on nous arracher le pain de la bouche ? C’était une affaire faite ! Nous y avons travaillé onze ans !

Le vicomte Annibal tendit sa tasse.

— Le docteur Samuel, dit-il en adressant à ce dernier un de ses sourires blancs, auxquels le plus subtil physionomiste n’aurait pu appliquer une signification quelconque, le docteur Samuel a dû vous apprendre les dernières nouvelles du jour. Cet excellent M. le comte est bien malade.

Il sucra son café, entouré qu’il était d’un silence inquiet.

— Bien malade, reprit-il. Je viens d’Italie, très chers, et il y a toujours eu une certaine obscurité autour de ma naissance… Savez-vous que ces de Clare avaient un goût particulier pour l’Italie ? Mon âge est bien à peu près celui qui convient… avec un ensemble d’actes et de témoignages, je pourrais tout aussi bien hériter que le premier venu.

Personne ne souffla mot, mais toutes les figures se rembrunirent.

Le vicomte Annibal but d’un trait la moitié de sa tasse de café.

— Est-ce qu’il serait question ?… demanda Comayrol atterré.

— Vaguement, l’interrompit le vicomte Annibal, Marguerite est une femme de génie. Cette nuit va voir des choses très surprenantes. Moi, je ne sais rien, si ce n’est qu’il faut un duc, puisque Marguerite a la fantaisie d’être duchesse.

Ayant lampé le reste de sa tasse, il