Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/406

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pris, près de l’autorité, une position qui me sauvegarde complètement : je suis utile. Comme ce pauvre Roland a vécu dans un trou et qu’il a passé son existence entière à revenir d’un Pontoise quelconque, situé dans l’autre monde, il est possible qu’il résiste… Sommes-nous bien sûrs, tenez, par exemple, qu’à l’heure où nous sommes, les titres qui vous manquent ne sont pas entre ses mains ? Comme il se croirait fort ! Comme il deviendrait insolent ! Il aurait tout, en effet : le droit et les preuves qui établissent le droit ! Ce serait trop pour moi, mon cher Monsieur de Malevoy ; je ne permets pas qu’on soit vainqueur sans moi, et alors nous serions obligés de lui tenir un peu la tête sous l’eau, pour réfléchir à la question de savoir s’il doit être ramené à la berge ou laissé au fond… Nous sommes-nous bien compris ?

— J’avoue… voulut dire Léon qui perdait plante.

— N’avouez rien, allez ! Tous ces aveux sont des mensonges. De deux choses l’une : ou vous m’avez comprise parfaitement, ou vous allez m’avoir parfaitement comprise, dès que je serai partie.

À propos, fit-elle négligemment en achevant de boutonner son dernier gant, mon mari doit vous faire une visite… avec Nita : ils sont au mieux ensemble ; elle est sous le coup de menaces mystérieuses et tout à fait théâtrales… Si on obtenait d’elle qu’elle vous dît : Je ne vous aime pas, ou bien : J’aime Roland de Clare, consultez ceci.

Elle jeta sur la table un portefeuille mignon, timbré aux armes de Stuart-Fitzroy.

Léon la regardait bouche béante.

— Est-ce que jamais ?… fit-il d’une voix étranglée, est-ce que la princesse d’Eppstein aurait dit ?…

— Consultez ! répéta Marguerite avec un sourire plein de promesses, consultez ! votre défaut n’est plus comme autrefois l’audace, mon pauvre Léon… Cela m’a presque fait de la peine de vous voir si tristement écrasé. Consultez ! Peut-être vous souvenez-vous d’avoir écrit à la princesse ?…

— Oh ! fit Léon, des lettres insensées !… que je regrette… qu’elle a dû détruire