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Un pas brusque sonna sur le carré. On frappa assez rudement à la porte d’un voisin et une voix demanda :

— La femme Thérèse.

Le timbre mâle et sonore de cette voix apporta les paroles prononcées aussi nettement que si on les eût dites à l’intérieur de la chambre.

— Porte à côté, répondit le voisin.

Le docteur Samuel murmura :

— Au moins, moi, je dis : Madame Thérèse !

La malade s’était levée sur son séant.

— Voilà bien des semaines que personne n’est venu me demander ! pensa-t-elle tout haut.

Son visage exprimait le naïf espoir des enfants et des faibles.

La porte s’ouvrit. Un homme entra. Le docteur Samuel se courba en deux aussitôt et tendit ses mains potelées qu’il lavait souvent, mais qui résistaient à l’eau.

— Vous ici, mon savant et cher confrère ! s’écria-t-il.

Le nouveau venu le regarda, lui adressa un signe de tête sobre et marcha droit au lit.

— Vous êtes la femme Thérèse ? dit-il de sa belle voix nette et grave.

Puis, après un coup d’œil et avant la réponse de la malade :

— Madame, ajouta-t-il, avec le ton qu’on prend pour faire une excuse, nous voyons beaucoup de monde, et nous avons le tort d’aller au plus pressé, en laissant de côté la courtoisie…

Le docteur Samuel haussa les épaules, mais il dit :

— Le docteur Lenoir est un Saint-Vincent-de-Paul !

L’œil de celui-ci interrogeait déjà le visage de la malade avec cette puissance d’investigation qui fit depuis son nom si célèbre.

Il était jeune encore. Il avait une tête vigoureusement intelligente. Chose singulière, son costume très négligé n’éveillait pas les mêmes doutes que la toilette inu-