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néreux. Pourquoi l’avez-vous abandonné ?

— Parce que je n’espérais pas, répondit Léon à voix basse.

Et tandis qu’il disait cela, son cœur battait à briser sa poitrine.

— Pourquoi n’espériez-vous pas ?

— Parce que je suis un…

Il n’osa pas prononcer ce mot notaire qui, chose inconcevable, par cette puissance étrange de nos banales railleries, en arrive, dans certaines circonstances, à blesser la lèvre comme si c’était une obscénité !

— Notaire ! acheva bravement Marguerite.

Elle eut son rire argentin et charmant.

— C’est vrai, reprit-elle ; mieux vaudrait être un bandit. C’est moins mal porté.

Elle s’interrompit pour ajouter sérieusement :

— Je suis bien loin de blâmer votre sœur, Léon. À sa place, j’agirais peut-être comme elle. Mais, croyez-moi, pour se mêler en quoi que ce soit de cette terrible et ténébreuse affaire, engagée comme elle l’est, il faut plus que l’expérience et le courage relatifs d’une pensionnaire… Ce ne serait pas trop de moi !

Ceci fut prononcé avec emphase.

Puis elle se renversa sur le dossier de son fauteuil et murmura :

— N’avez-vous jamais soupçonné, vous, Léon de Malevoy, que la princesse Nita d’Eppstein pouvait vous aimer d’amour ?

Léon se trouva debout, comme si la main d’un géant l’eût arraché de son siège.

— Madame ! Madame ! balbutia-t-il. Oh ! Marguerite !… qu’avez-vous dit ?

— J’ai dit, répliqua la comtesse, ce que vous avez parfaitement entendu.

— Ne jouez pas avec cela ! s’écria Léon qui chancelait comme un homme ivre.

— Je ne joue pas et j’ajoute, acheva Marguerite paisiblement, que je ne vois aucune impossibilité quelconque à cette affaire.