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re prononça Rose, qui devint plus pâle, mais dont la voix ne trembla point : les Habits-Noirs sont ici.

— Qui te l’a dit ? s’écria Léon au comble de l’agitation. Ce M. Cœur et la princesse savent-ils donc ?…

— Roland de Clare ne sait rien, repartit Rose, ou du moins il ne m’a rien dit ; la princesse d’Eppstein ne sait rien. C’est toi qui sais, et c’est par toi que je sais. Tu m’as expliqué une fois, et cela m’est resté dans l’esprit comme une chose terrible et frappante entre toutes les inventions de l’enfer, tu m’as expliqué une fois, à propos de la mort de Lecoq, cette sauvage tragédie dont tout le monde parlait alors ; tu m’as expliqué, je le répète à dessein par trois fois, le système véritablement diabolique qui est la base de l’association des Habits-Noirs : POUR CHAQUE CRIME COMMIS, UN COUPABLE LIVRÉ À LA JUSTICE. Je m’étonnai peut-être de ta science. Je m’étonnai parce que, du moment qu’un honnête homme connaît ce dogme de la religion des assassins, il semble facile de déjouer les calculs qui en découlent. Tu dis bien vrai : je ne suis qu’une jeune fille. Non seulement tu n’as rien pu contre les Habits-Noirs, toi qui te vantes de ton expérience de la vie ; mais encore, écoute bien cela : les Habits-Noirs t’ont choisi pour appliquer leur règle implacable. Ils ont trouvé en toi la double victime du crime et de l’expiation ; tu es devant la justice, mon frère, parce que les Habits-Noirs t’ont volé, et qu’ils te montrent du doigt en criant : Au voleur !

La tête de Léon pendait sur sa poitrine.

— Tu sais pourtant, toi ! poursuivit Rose de Malevoy, le front haut et le regard brûlant. Tu es fier de savoir ! Tu as l’œil perçant qu’il faut pour découvrir et reconnaître ces mailles d’acier, minces, mais fortes, comme celles des filets de