— La princesse d’Eppstein a perdu, l’an dernier, son procès contre le gouvernement autrichien : les biens d’Allemagne ne lui appartiennent plus. Si la succession de Clare lui échappe, la princesse d’Eppstein est ruinée.
— Ruinée ! répéta Rose dont les yeux brillèrent sous ses longs cils baissés. Pauvre Nita ! C’est un cœur fier, mais saurait-elle supporter le malheur ?
— Je me suis fait cette question, prononça le jeune notaire à voix basse.
— Et quelle a été la réponse de ta conscience, mon frère ?
Léon courba la tête.
— Je ne croyais pas, murmura-t-il, au début de cette entrevue, que ma confession pourrait aller jusque-là !
— Il faut que je sache tout ! déclara Rose résolument.
— Oui, fit Léon, tu as raison. J’ai besoin moi-même de te laisser, à défaut d’autre héritage, la connaissance entière et sincère des faits qui sont ma pauvre histoire. Ce n’est pas ma conscience que j’interrogeais, ma sœur : j’ai été follement épris de la princesse d’Eppstein… follement ! éperdument !
— Tu parles de cet amour au passé, mon frère ?…
— C’est que, pensa tout haut Léon, dont la main pâle tourmentait son front, sillonné de rides précoces, je l’ai tant combattu, cet amour ! On dit que, pour aimer, il faut espérer. Je ne crois pas avoir espéré jamais. Peut-être qu’on espère sans le savoir…
Rose poussa un long soupir et serra la main de son frère, qui poursuivit :
— Tu as raison, tu as raison ! j’éprouve je ne sais quel soulagement triste à me confesser à toi, qui remplaces toute ma famille, comme elle eût remplacé pour moi l’univers. Je dis que je n’avais pas d’espoir, parce que je suis d’un monde et d’un caractère à sentir très vivement cer-