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tion formidable s’élevait vers les cieux étonnés.

— Vive le patron et la salade !

Deux longues files de barbouilleurs, ornés de torches, fuyaient à perte de vue devant l’entrée du pavillon ; à tous les arbres, illuminés à la fois, des verres de couleurs pendaient comme les fruits d’un jardin féerique.

— Ah ! dit Roland avec conviction, mes enfants, je ne m’attendais pas à celle-là ! c’est bien plus fort que l’année dernière !

L’année dernière, Roland avait dit la même chose exactement ; mais c’en était assez pour payer la peine de tous ces pauvres grands enfants, qui agitèrent leurs torches et renouvelèrent leurs fantastiques acclamations.

Gondrequin-Militaire était naturellement à la tête de la première file ; M. Baruque commandait la seconde.

Dans les deux files, chacun portait sa torche de la main droite et avait la gauche derrière le dos. À un signal donné par M. Baruque, toutes les mains cachées apparurent, armées chacune d’un gros bouquet. Un monceau de fleurs s’éleva devant les marches du pavillon, au haut desquelles M. Cœur était debout.

— Vive le patron et la salade !

— À la suite de quoi, dit M. Baruque, qui ôta son chapeau de feutre mou, Militaire, comme c’est l’habitude, va prononcer le discours de tous les ans. Avalez vos langues ! c’est l’instant, c’est le moment, sans éternuer, ni tousser, ni rien… Hé ! houp !

Il y eut aussitôt un grand silence. À son tour et non sans émotion, Gondrequin, ôtant son feutre mou, fit un pas vers le perron. Il ne parla pas cependant tout de suite, parce que, à la surprise générale, M. Baruque, obéissant à un signe de M. Cœur, venait de monter les marches du petit perron.

M. Baruque écouta d’abord en souriant ce que le patron lui disait tout bas ; mais bientôt on le vit pâlir et faire un pas chancelant en arrière.